Ces idĂ©es reçues sur les Ă©motions qui nous freinent sans que lâon sâen rende compte
Depuis que nous sommes petits, nous entendons des phrases comme :
« ArrĂȘte de pleurer », « Sois fort », « Garde ton calme », « Ne te laisse pas envahir par tes Ă©motions ».
Ces injonctions, rĂ©pĂ©tĂ©es parfois avec bienveillance, nous ont appris une chose : les Ă©motions, ce nâest pas trĂšs bien vu. RĂ©sultat ? On les cache, on les juge, on les redoute. Et pourtant, elles sont lĂ . Elles frappent Ă la porte, et parfois mĂȘme, elles s’imposent et forcent l’entrĂ©e…
Dans cet article, dĂ©couvrez trois idĂ©es reçues que lâon entend trĂšs (trop) souvent… et surtout, vous montrer pourquoi les remettre en question peut changer notre rapport Ă nous-mĂȘme.
đȘïž IdĂ©e reçue #1 : « RĂ©primer ses Ă©motions, câest ĂȘtre fort »
Ce quâon entend souvent :
« Les gens forts ne pleurent pas, ils gardent leur sang-froid. »
Ce quâon oublie de dire :
đ RĂ©primer ses Ă©motions, ce nâest pas de la force. Câest une stratĂ©gie de survie qui peut nous coĂ»ter trĂšs cher sur le long terme.
Les recherches en psychologie sont trĂšs claires lĂ -dessus. Quand on empĂȘche nos Ă©motions de sâexprimer, on les enfouit. Et ce que lâon enfouit ne disparaĂźt pas : cela ressort ailleurs â dans le corps, dans les relations, ou sous forme de stress chronique.
Des Ă©tudes comme celles de James Gross (2014) montrent que la suppression Ă©motionnelle affaiblit notre santĂ©, et peut mĂȘme augmenter les risques de burn-out ou de troubles cardiovasculaires.
đŻ Un exemple concret : Une personne accompagnĂ©e me racontait sa colĂšre intense aprĂšs une rĂ©union oĂč son manager avait prĂ©sentĂ© ses idĂ©es comme Ă©tant les siennes. Elle avait envie de hurler⊠mais elle a tout gardĂ© pour elle. RĂ©sultat ? Une boule au ventre pendant des jours, de la rancĆur, de la fatigue Ă©motionnelle.
En travaillant ensemble, nous avons dĂ©codĂ© ce que cette colĂšre voulait dire : un besoin de reconnaissance et de respect. GrĂące Ă la Communication Non Violente (CNV), elle a rĂ©ussi Ă en parler calmement avec son manager⊠et Ă clarifier les choses. Exprimer son Ă©motion nâa pas fragilisĂ© la relation, au contraire, cela lâa renforcĂ©e.
đĄ Rappel essentiel : La vraie force, câest de savoir reconnaĂźtre ce qui se passe en soi⊠et de choisir comment on veut lâexprimer.
đ„ IdĂ©e reçue #2 : « La colĂšre est une Ă©motion nĂ©gative, Ă Ă©viter »
Ce que lâon nous dit souvent :
« La colĂšre, câest dangereux. Cela fait peur. Il vaut mieux la contenir. »
Et pourtant :
đ La colĂšre est une Ă©motion de protection. Elle est lĂ pour poser des limites quand quelque chose ne nous respecte pas.
Bien canalisĂ©e, elle peut devenir un moteur de changement. Carol Tavris (1989) lâexplique trĂšs bien : ce nâest pas la colĂšre en elle-mĂȘme qui pose un problĂšme, mais la façon dont on la gĂšre.
đŻ Un exemple vĂ©cu : Un salariĂ© que jâai accompagnĂ© se sentait exploitĂ©. Horaires Ă rallonge, aucune reconnaissance. Il bouillait intĂ©rieurement, mais nâosait rien dire, par peur dâĂȘtre jugĂ© ou mis Ă lâĂ©cart.
Avec un peu de travail sur ses besoins, il a compris que sa colÚre parlait de justice et de respect de son équilibre personnel. Il a réussi à exprimer son ressenti de maniÚre posée⊠et a obtenu un aménagement de son emploi du temps.
đĄ Ce que lâon peut en retenir : La colĂšre devient destructrice quand on la nie ou quand elle explose sans filtre. Mais quand on apprend Ă lâĂ©couter, elle devient une prĂ©cieuse alliĂ©e.
đ§ïž IdĂ©e reçue #3 : « Il ne faut pas ressentir dâĂ©motions nĂ©gatives pour ĂȘtre heureux»
Ce que lâon entend :
« Pense positif, souris à la vie, chasse tes pensées noires ! »
Et si, au contraire, la clĂ© du bien-ĂȘtre Ă©tait dâaccueillir toutes nos Ă©motions, mĂȘme les plus inconfortables?
La tristesse, la peur, la dĂ©ception, lâanxiĂ©té⊠sont des Ă©motions qui nous dĂ©rangent certes. Mais elles sont aussi des messagĂšres. Elles nous parlent de nos besoins non satisfaits, de nos valeurs, de nos limites franchies.
Des chercheurs (Kashdan & al., 2010) ont montrĂ© que les personnes capables dâaccepter leurs Ă©motions nĂ©gatives sont plus rĂ©silientes et mieux armĂ©es face aux Ă©preuves.
đŻ Une situation que jâai accompagnĂ©e : Une jeune femme se sentait rejetĂ©e et profondĂ©ment triste aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e dâun projet qui comptait beaucoup pour elle. En explorant ce quâelle ressentait, elle a mis le doigt sur un besoin fort : se sentir utile et reconnue dans son travail. Cette prise de conscience lui a donnĂ© le courage de demander une mission qui soit davantage alignĂ©e avec ses envies. Et cela a fonctionnĂ©.
đĄ Ă retenir : Ăviter les Ă©motions douloureuses, câest comme mettre un couvercle sur une cocotte-minute. Ă un moment, cela finit par exploser. Les Ă©motions ne sont pas des ennemies, elles sont des guides.
đ± En conclusion : Ăcouter, plutĂŽt que juger
Ces idĂ©es reçues sur les Ă©motions sont tenaces. Mais lorsque l’on commence Ă les dĂ©construire, quelque chose se libĂšre. On se reconnecte Ă soi, Ă ses besoins, Ă ce qui est vivant en nous.
đ Les Ă©motions ne sont ni bonnes ni mauvaises. Elles sont des signaux. Les ignorer, câest se couper de soi.
Les Ă©couter, les apprivoiser, câest grandir en conscience et en libertĂ©.
Dans notre prochain article, je vous proposerai un focus sur les émotions au travail :
- Comment gérer le stress avant une présentation ?
- Que faire quand un conflit surgit avec un(e) collĂšgue ?
- Et surtout, comment utiliser vos Ă©motions comme levier de bien-ĂȘtre au travail ?
Ă trĂšs vite đž (et en attendant prenez soin de vous et vos Ă©motions!)
đ Bibliographie
- Gross, J. J. (2014). Emotion Regulation: Conceptual Foundations. Guilford Press.
- Tavris, C. (1989). Anger: The Misunderstood Emotion. Simon & Schuster.
- Kashdan, T. B., Barrios, V., Forsyth, J. P., & Steger, M. F. (2010). Emotional Acceptance and Psychological Health: A Meta-Analytic Review. Emotion, American Psychological Association.
- Rosenberg, M. (2005). Les mots sont des fenĂȘtres (ou bien ce sont des murs). Ăditions La DĂ©couverte (sur la CNV).